Partie 3 : Le revers de la médaille

Suite de la partie 1 (« Un changement de dimension ») et de la partie 2 (« Les raisons du phénomène, et ce qu’il apporte d’inédit »)

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La sortie de la caverne

Il est difficile d’échapper à la métaphore du mythe de la caverne lorsqu’on lit les commentaires des « jancovicistes ».

« Sans surprise, une petite vidéo de JMJ et vous sortez du déni ! » commentait récemment un vulgarisateur très suivi sur le sujet climatique, lui-même très alerte par ailleurs sur la prise de recul à adopter vis-à-vis de l’intéressé.

Ils sont très nombreux à le dire : JMJ propose un éveil, ou plutôt un réveil. Un récent montage vidéo très partagé, qui compilait diverses déclarations de JMJ sur fond de musique hollywoodienne, s’intitulait ainsi : « Bienvenue dans le monde réel ».

Cette autre vidéo compilant des propos de JMJ, intitulée « Bande annonce du futur », adoptait les mêmes codes. Dans les commentaires, un internaute écrivait : « Vous venez de prendre la pilule rouge » – une référence que l’on retrouve fréquemment parmi les suiveurs de JMJ, et qui est issue d’une célèbre séquence de Matrix, dans laquelle une pilule rouge permet d’accéder à une réalité cachée, en ouvrant les yeux sur la nature factice du monde connue par tout un chacun.

« La fameuse pilule rouge, sésame pour un monde plus vrai et plus cru, s’est imposée comme la métaphore de l’entrée dans un discours alternatif, celui que les médias tairaient, celui qui dérangerait, par opposition à la pilule bleue, qui serait celui de l’acceptation paresseuse » écrivaient les journalistes Damien Leloup et William Audureau dans un article dédié dans Le Monde.

A grands pouvoirs…

La pilule rouge est une métaphore aujourd’hui fréquemment citée dans les cercles complotistes, anti-vaccins, QAnon. Est-ce à dire pour autant que les milieux jancovicistes sont assimilables avec ces cercles ? Non. Mais je constate qu’une partie des suiveurs de JMJ, certainement minoritaires mais plus visibles (car plus nombreux ?) qu’auparavant, se révèlent sensibles aux théories du complot telles que propagées récemment dans le documentaire Holdup.

La chose s’explique peut-être simplement parce qu’une partie de ces suiveurs sont de « nouveaux arrivants », tombés sur JMJ via des chaînes Youtube se présentant comme « alternatives », diffusant tout et n’importe quoi. Mais quelle qu’en soit la cause, il me semble qu’une certaine vigilance s’impose et que l’intéressé devrait garder cette préoccupation à l’esprit. A grands pouvoirs, grandes responsabilités : face à un public dont une partie boit ses paroles, critiquer fréquemment le travail journalistique de médias comme Le Monde, Radio France et France Télévisions – déjà largement discrédités dans les sphères complotistes – n’est peut-être pas l’attitude la plus judicieuse à adopter dans l’époque actuelle. Et ce quand bien même le niveau journalistique sur les questions d’énergie laisse effectivement parfois à désirer.

Tout comme la crise de 2008 avait mis subitement en lumière le grand manque d’expertise économique dans l’univers journalistique, le réchauffement climatique révèle la manque de culture scientifique dans ce même univers. Personne ne devrait être blâmé pour le souligner (et encore moins quand on sait que JMJ tient depuis 2006 un événement annuel visant justement à former des journalistes aux enjeux climat-énergie). Mais un juste équilibre est à trouver, qui consisterait à alerter sur le problème sans donner l’impression pour autant de discréditer l’ensemble du travail d’un média, voire d’une profession.

Starification ou gouroutisation ?

« Personnellement, le fait de voir que des centaines, voire des milliers de gens prennent tout ce qu’il dit pour parole d’Evangile me fait de moins en moins rigoler… »

Voilà ce qu’écrivait récemment sur Facebook Loïc Giaccone, analyste sur les questions climatiques bien inséré dans le milieu « jancoviciste », à propos de JMJ :

« Le processus commence à m’inquiéter tant il s’approche des processus d’adhésion religieuse (prophète..) » précisait-il ensuite.

Soyons clairs : personne ne dit ici que JMJ poursuit cet objectif. En revanche le phénomène est bel et bien palpable chez une partie de ses fans.

Le commentaire ci-dessous, posté par un internaute sur Linkedin, est un bon exemple en la matière.

Un exemple isolé ne prouve évidemment rien. Mais il se trouve que cet exemple est loin d’être isolé. Il n’y a qu’à lire les réactions à son sujet sous ses posts et ses vidéos. Toutes ne sont pas du même acabit : certaines réactions sont plus subtiles. En témoigne, entre autres exemples, celles que l’on découvre sous un post critique du nucléaire écrit récemment sur Facebook par Guillaume Duval, éditorialiste d’Alternatives économiques : dans les commentaires, on peut y lire « vous devriez lire Jean-Marc Jancovici », « comme dirait Jean-Marc Jancovici », « je pense comme Jean-Marc Jancovici », « oui il faut lire Jancovici »…Isolées séparément, aucune ne choque particulièrement ; mais mises bout à bout, elles laissent une impression particulière, pour ne pas dire gênante – l’impression d’une cohorte de fidèles qui répètent en perroquet la parole de leur maître, avec une capacité d’écoute et de compréhension des arguments opposés qui laisse à désirer.

Une fermeture, voire agressivité, de ses suiveurs à ce qui sort de sa pensée

A vrai dire, le problème n’est pas tant dans la mention spontanée et répétée de JMJ par ses suiveurs dans toute conversation ayant trait à l’énergie et au climat. Il m’arrive moi aussi parfois d’inviter l’interlocuteur à lire ou écouter les démonstrations de l’intéressé pour affiner son regard lorsque celui-ci me semble trop manichéen, ou simplement à côté de la plaque. La raison en est double :

1/ On sait d’avance qu’en envoyant un lien Internet unique (vers une vidéo, une interview, etc.) JMJ sera l’expert le plus efficace pour expliquer simplement et rapidement des faits complexes, et convaincre efficacement s’il y a lieu ;

2/ Sur le sujet du nucléaire lui-même, il est l’un des seuls experts bien identifiés à défendre sa position (le nucléaire comme amortisseur de décroissance), ce qui explique pourquoi son nom revient façon « perroquet » comme dans l’exemple cité plus haut.

Le problème est ailleurs. Il se situe dans la posture – celle d’une fermeture, voire d’une agressivité, chez un certain nombre de ses « fidèles », vis-à-vis de tout ce qui s’éloigne de ses thèses. Là encore plusieurs exemples m’ont frappé mais il a fallu une certaine accumulation pour que je commence à en prendre littéralement note.

Le dernier en question a fait suite à une chronique dans Le Monde du chercheur Jean-Baptiste Fressoz, historien de l’environnement réputé, dont la qualité du travail est fréquemment saluée. Dans cet article, J.B. Fressoz s’inscrivait en faux contre l’idée selon laquelle « la catastrophe climatique en cours » serait « une affaire malthusienne » – thèse qui est au cœur des démonstrations de JMJ.

Les réactions lues sur un groupe de « jancovicistes » n’ont pas été décevantes : « bavardage et défoncement de portes ouvertes » ; « papier de m…. » ; « ignorance scientifique »…pour ne mettre ici qu’un échantillon.

Il est bien sûr tout à fait possible d’être en désaccord avec J.B. Fressoz – mais on peut difficilement lui retirer un travail approfondi et de qualité sur ces sujets.

Notons toutefois, signe qu’il ne faut rien exagérer non plus, que dans la même conversation, un internaute ayant bien saisi le propos de J.B. Fressoz a pris la peine de faire l’exégèse d’un article directement rangé dans la case « poubelle » par beaucoup d’autres (« il faut fermer le robinet [des combustibles fossiles] nous-mêmes et ne pas attendre de le faire après un pic théorique – voilà l’argument de Fressoz. Et cela passe forcément par une action politique, historique, pas à travers un « act of god » naturel ou physique. C’est ainsi que les mécanismes naturels de régulation cesseront d’être détournés et court-circuités »)…

L’illusion d’une « vérité » intrinsèque en dehors de toute idéologie

En matière de politiques publiques, la neutralité n’existe pas. Quatre ans de « pragmatisme » au pouvoir ont largement montré, s’il le fallait, que tout point de vue, tout choix de société, y compris ceux qui se drapent derrière une illusoire objectivité, comprend une part d’idéologie sous-jacente – ce qui n’est pas un gros mot. Or la transition écologique implique justement des choix de société, qui sont par nature politiques et non scientifiques, contrairement à ce que l’on entend parfois.

Rappelons en effet que les scientifiques ne sont pas là pour formuler des recommandations politiques (ainsi le GIEC a pour rôle de formuler des conclusions scientifiques « pertinentes pour l’action publique mais non-prescriptives ») : c’est aux politiques qu’il revient la responsabilité d’écouter les scientifiques et de fonder leurs décisions politiques sur leurs travaux.

J.M. Jancovici part d’une vision d’ingénieur pour porter un discours qui finit par être politique. Cette combinaison est précisément ce qui forme une immense partie de son succès car cette approche donne l’impression d’éviter « l’idéologie », en partant de réalités scientifiques et physiques. Mais au bout du compte, il préconise bel et bien des choix d’actions politiques : il formule des recommandations de politiques publiques, il s’engage et prend parti, et, d’une certaine façon, il milite (pour la défense du nucléaire, pour un plan permettant de « circuler en vélo partout en France » à la place des 121 milliards d’euros de dépenses publiques pour les énergies renouvelables, etc.). En cela, son discours est éminemment politique, portant directement sur des choix de société.

On peut partager ses opinions, mais il est important d’avoir en tête qu’il ne s’agit alors pas de thèses « désidéologisées », qui ne seraient fondées que sur « la science », comme bon nombre de ses spectateurs en semblent persuadés. La physique, à elle seule, ne permet pas de décider le type de société vers lequel aller : ces choix nécessitent des débats et des prises de décisions de nature politique.

Le danger d’une pensée unique

De la même façon, il est souvent dit que JMJ plaît « parce qu’il parle de faits et non d’opinions ». C’est, là encore, extrêmement simplificateur. Si mettre en avant des faits suffisait à devenir une icône, cela se saurait ! Plus sérieusement, J.M. Jancovici propose une explication « choc » et globale de multiples phénomènes, par le prisme de l’énergie.

Mais c’est justement ce qui lui est souvent reproché. Dans ses présentations, il explique que la crise de 2008 a été déclenchée par des facteurs énergétiques, et que l’énergie abondante « a permis les divorces, puisque pour divorcer, il faut avoir deux logements là où vous n’en n’aviez qu’un », l’essor des études (puisque les machines libèrent de la force de travail) et en particulier des études longues, des loisirs (et en particulier des loisirs modernes puisque les formes de loisirs qui se sont développées ces dernières décennies sont très énergivores), des retraites… – et même, il y a plus longtemps, la fin de l’esclavage.

Il est passionnant de l’entendre dérouler ses démonstrations. Celles-ci sont séduisantes, puisqu’il présente une vision du monde clef en main, tout compris, où tout est physique et tout est énergie – des facteurs effectivement trop souvent mis de côté, notamment par les économistes. A cela s’ajoutent ses assertions tranchées et son assurance (qui flirtent parfois avec un manque de nuances) qui sont autant d’atouts pour accrocher son auditoire.

Mais les choses ne sont jamais aussi simples. En faisant de l’énergie le cœur de l’explication des grands phénomènes du monde, il présente une vision étroite, très réductrice, à rebours des travaux issus de multiples disciplines depuis des décennies. L’émergence d’un phénomène est rarement due aux seuls facteurs physiques ; ce serait oublier le rôle majeur des facteurs sociaux, politiques, économiques, etc. – et à leur enchevêtrement complexe et souvent indémêlable (rappelons qu’encore aujourd’hui aucune théorie ne fait consensus sur la chute de l’Empire romain). Pour nombre d’économistes la physique est absente de leurs raisonnements ; il serait dommage de tomber dans le biais inverse, en considérant que tout est secondaire par rapport à la physique.

Nombreux sont ceux qui semblent prendre tous ses propos au pied de la lettre : pourquoi c’est un problème

Beaucoup semblent oublier qu’aussi expert soit-il, JMJ n’est pas un scientifique à proprement parler. Il ne le cache pas et le dit en toute transparence sur son site.

Mais ses suiveurs ne semblent pas tous le savoir ou comprendre clairement la différence. Dans C à vous récemment, Albert Dupontel le citait ainsi comme un « climatologue » : la confusion est révélatrice.

D’autres semblent relativiser la notion de climatologue, qui n’est certes pas une profession précise mais qui renvoie bien à un statut de chercheur, ce qui est très différent du métier de consultant et de vulgarisateur :

(conversation sur le groupe Facebook « Neurchi de Jancovici »)

Il faut dire que l’intéressé lui-même n’aide pas toujours non plus…

Pourquoi cette confusion sur sa profession exacte est-elle un problème ? Parce que JMJ est adepte de déclarations chocs dont on se demande parfois si elles sont soutenues par des travaux scientifiques reconnus, ou si elles relèvent surtout d’intuitions ou d’approximations, certes utiles pour faire prendre conscience de réalités, mais qui ne devraient pas être prises au pied de la lettre.

Ci-dessous quelques exemples parmi d’autres :

• « La démocratie recèle en elle-même sa propre fragilité : être incapable de gérer correctement les grands dangers de long terme. Il est impossible de marier la démocratie, soumise à la décision populaire et à des rythmes courts de l’ordre d’un ou deux mandats, et la technique, soumise aux lois intangibles de la physique et aux horizons beaucoup plus lointains ».

• « Le pétrole, le charbon et le gaz sont épuisables, et le truc le plus épuisable là-dedans, c’est la stabilité des sociétés humaines. Donc quand le « truc » commencera à être attaqué de toute part, ça se terminera en boucherie ».

• « Si le but du jeu est de maintenir une humanité à quelques milliards d’individus avec une espérance de vie de 70 ans à la naissance pour les siècles qui viennent, c’est déjà trop tard ».

L’idée n’est pas ici d’être « d’accord ou pas d’accord » (on peut tout à fait partager ces opinions) mais de questionner la réalité scientifique de ces propos qui semblent plutôt relever de convictions et pronostics personnels. Ainsi, lorsqu’il affirme que « le réchauffement climatique a le potentiel, pour faire très court, s’il se monte à 4 ou 5°C en un siècle de tuer la moitié de la population », cette déclaration ne correspond pas à ce que montre ce travail de recherche, pourtant déjà effrayant.

De façon générale, JMJ livre fréquemment des analyses bien au-delà de ses seuls sujets d’expertise. Il n’y a à cela rien d’illogique à partir du moment où l’on considère que ces sujets ne doivent pas être pensés en silos. Mais il a l’habitude de sortir de son champ d’expertise pour faire état d’opinions qui ne devraient pas être mises sur le même plan que le reste, et qui se rapprochent parfois plus de discussions « café du commerce ».

J’ai relevé ici 6 exemples, qui forment un panorama révélateur de ses prises de position en dehors des sujets climat-énergie dont il est spécialiste :

1/ « Supprimons les métiers de banquiers millionnaires, leur utilité sociale n’est pas suffisante » (propos tenu dans un live Facebook d’il y a quelques mois)

2/ Sa critique des dirigeants politiques, qu’il dépeint comme ignorants : « Aujourd’hui ce sujet [du climat] est géré avec un amateurisme désolant. Le gouvernement aujourd’hui ne sait pas faire une règle de trois et [n’a aucune idée de] la compréhension du problème à traiter. C’est grave. Si vous êtes biologiste et que vous ne savez pas faire la différence entre un castor et un ver de terre, le jour où vous devez opérer un castor c’est quand même emmerdant. Si au moins ils étaient cyniques, par calculs électoraux, on aurait au moins le début d’une solution  – mais ce n’est même pas le cas. Ils sont juste ignorants. Macron n’a pas passé 5h à se documenter sur la physique sous-jacente du sujet. »

3/ Sa vision du capitalisme : dans un live Facebook il y a quelques mois, il semblait estimer que l’alternative au capitalisme serait forcément une « société de fonctionnaires » : « Pensez-vous que je serais meilleur en fonctionnaire qu’en capitaliste ? Je peux vous dire que non ! Chez Carbone 4 on est de méchants capitalistes ».

4/ Sa critique des journalistes et médias de « service public » :

« La première [explication qu’il propose pour expliquer la fréquence des critiques sur le nucléaire], c’est que dans la presse, l’anti-nucléarisme est essentiellement le fait des médias de service public, ou qui se considèrent comme tel. Par exemple, Le Monde se considère comme un média de service public. L’hypothèse que je fais, ce n’est qu’une hypothèse je le répète, est que quand vous êtes dans un média, alors vous voulez montrer que vous êtes indépendant. Le journaliste veut montrer qu’il est indépendant, qu’il n’est à la botte de personne. Et si c’est l’Etat qui vous paye, la meilleure manière de montrer que vous n’êtes pas à la botte de l’Etat, c’est de dire du mal de ce que fait l’Etat. Donc si vous êtes journaliste de service public – et ça c’est aussi un truc que vous allez pouvoir remarquer – vous allez dire préférentiellement du mal de la police, de la façon dont on organise le système d’enseignement, de la façon dont fonctionne l’hôpital, de la SNCF, etc. À ce moment, je pense que le nucléaire passe tout simplement dans ce grand ensemble. Comme c’est un truc que fait l’Etat, crac ! Ça passe dans tous les trucs que l’Etat fait de travers. »

5/ Sa critique violente de l’Allemagne et ses positions sur l’Europe qui en découlent (dans un live Facebook il y a quelques mois) :

  • « L’Allemagne m’enquiquine beaucoup. Depuis 10 ans c’est « moi pour moi, et que les autres aillent se faire foutre« . [Sur le plan climatique] ils font tout ce qui est orthogonal par rapport à ce qui serait pertinent, et nous entraînent totalement dans la mauvaise direction. Industrie lourde, industrie automobile, centrale à charbon…Ils font fausse route sur tous les plans »
  • « Tchernobyl a déjà eu lieu en Allemagne : ça s’appelle le charbon »
  • « Bon ok ils ont accueilli 1 million de Syriens, mais bon il faudrait regarder de plus près la motivation »
  • « Je ne crois pas 1 seconde qu’on luttera pour le climat avec l’Allemagne. Pas – 1 – seconde. Ne comptez pas 1 seconde avec l’Allemagne pour faire quelque chose de sérieux sur le climat. C’est une cause perdue »
  • « Il aurait mieux fallu un Germanexit plutot qu’un Brexit sur le plan du climat »
  • « Il faut faire une coalition extra-allemande et une fois que ce sera fait, discuter avec les Allemands. La France s’est trop souvent mise en Europe dans une position de perdue d’avance. »

6/ Certaines de ses positions sur la démocratie :

Même si JMJ dit souvent qu’avec une formation suffisante, il est possible de faire comprendre à tous le défi climatique et d’agir collectivement, il lui arrive de tenir des propos plus polémiques. Ainsi en réponse à la question « est-ce que le système démocratique peut limiter le réchauffement climatique sous 1,5 voire 2°C ? », il répondait lors d’un live Facebook : « probablement non ». « Un système de type chinois ne serait-il pas un bon compromis ? Il n’est pas complètement exclu que la réponse soit oui ». « Il faut être capable de s’imposer des efforts extrêmement significatifs, et il faut un pouvoir très fort pour faire respecter ces efforts ».

Dans ces différents exemples, le problème n’est pas dans le fait qu’il s’exprime au-delà de son champ d’expertise – c’est bien son droit (même si on notera qu’il reproche lui-même aux journalistes de s’exprimer sur des sujets sans les maîtriser) – mais plutôt le fait d’être écouté religieusement par certains de ses suiveurs, dont certains ne distinguent pas forcément la différence entre son expertise et son opinion personnelle. Et le format de certaines de ses interventions, où il s’exprime seul sans contre-regard qui viendrait souligner les limites de ses propos, n’aide pas en ce sens.

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Les controverses sur le cœur de ses sujets d’expertise

Au-delà des déclarations polémiques qui ne sont pas le cœur de son propos, intéressons-nous maintenant au fond de ses thèses sur ses sujets d’expertise. Cet article n’a pas pour but de revenir dessus en détail : ce travail mériterait différents articles de fond dédiés, rédigés par de plus fins connaisseurs des sujets en question. Je me contenterai ici de mentionner trois principaux sujets de controverse importants à avoir en tête (au-delà des débats sur les calculs avancés par JMJ dans certaines de ses démonstrations, par exemple ici).

1/ La question du pic de pétrole

JMJ défend la thèse de la survenue du pic de pétrole (conventionnel et non-conventionnel) à court terme (« quelque part entre 2018 et 2022 » écrivait-il il y a quelques mois) ; or celle-ci est loin de faire consensus parmi les spécialistes internationaux, quand bien même on peut la juger convaincante et de plus en plus partagée.

« Les ingénieurs pétroliers me paraissent divisés en deux tribus », dit ainsi l’économiste Gaël Giraud : « une première estime que l’on devrait atteindre un plateau d’extraction, toutes techniques confondues, dans la deuxième moitié de la décennie 2020. Et une seconde pense que les réserves accessibles sont suffisamment importantes pour que nous puissions continue d’augmenter la production (et détruire le climat) jusqu’en 2060 ».

De son côté, l’historien de l’environnement Jean-Baptiste Fressoz défend une position très différente de celle de JMJ, exprimée dans la tribune évoquée plus haut : « Le problème est que la catastrophe climatique en cours n’est pas une affaire malthusienne. C’est au contraire une question de surabondance : notre bocal contient bien trop de charbon, de pétrole et de gaz, et aucune limite dictée par la nature ne nous empêche de le transformer en fournaise. Dans un contexte d’abondance, le passage d’un pic n’empêche pas des rebonds ultérieurs : après des flux et des reflux, l’utilisation de charbon aux Etats-Unis a atteint son record historique… en 2008. »

2/ L’énergie comme déterminant principal de l’histoire des sociétés humaines

JMJ défend l’idée que l’énergie dicte de nombreux comportements sociétaux et événements historiques.

Or, comme le formule l’analyste Loïc Giaccone :

« Dire que c’est « l’énergie », ou la disponibilité en énergie, qui détermine les comportements sociétaux, revient à s’avancer fortement par rapport aux connaissances scientifiques disponibles aujourd’hui (ce que ne manque pas de faire JMJ, notamment au niveau de la crise de 2008 – ses propos là-dessus sont loin d’être « factuels » ou « scientifiques », alors qu’on ne manque pas de travaux sur cet événement mondial). Ainsi le papier de Gaël Giraud et Zeynep Kahraman présente une cointégration (engagement de long terme) et une causalité (l’énergie permet la croissance – ce qui est logique en soi, puisque la « richesse » n’est créée qu’une fois que l’énergie est utilisée, pas avant), mais ne permet pas de dire que c’est « l’énergie » qui détermine les comportements sociétaux ».

« Pour savoir ce qui détermine les comportements et évolutions des sociétés, il faut « remonter » au cran au-dessus : pourquoi consomme-t-on de l’énergie ? Et cette question, dans la présentation jancovicienne, est totalement mise de côté : ce serait « simplement » la disponibilité énergétique (dépendante tout de même d’aspects technologiques et économiques, il en convient) qui déterminerait la consommation d’énergie, qui elle-même déterminerait les fluctuations du PIB.

Sauf que c’est littéralement aller un peu vite (Gaël Giraud est d’ailleurs beaucoup plus prudent là-dessus). En amont de la consommation d’énergie, il y a des choix (individuels, collectifs, privés, publics), qui sont bien humains et sociaux, de vouloir augmenter son capital, faire croître des entreprises, développer des activités, etc.

Dans le prisme « énergétique », ceci est tout bonnement écarté, alors que c’est finalement la donnée principale du problème : il y a quelques siècles les ressources étaient déjà là, mais on ne les exploitait pas de manière exponentielle comme on le fait depuis la Révolution industrielle. La réponse n’est pas (du tout) « simplement » technique. L’histoire des techniques est un autre (grand) angle mort du discours de JMJ, or celle-ci montre que ce n’est pas du tout aussi simple (voir notamment les travaux de A. Malm et F. Jarriges, ou encore J.B. Fressoz).

De même, il va très vite sur son récit de l’empilement énergétique : or au XIXème si nous sommes passés de l’eau à la vapeur, ce n’est pas dû à des raisons techniques, mais à des raisons sociales (voir Malm ou Jarriges) ; au XXème la voiture individuelle et le pétrole ne se sont pas non plus imposés pour des raisons purement techniques mais avant tout pour des raisons sociales et économiques ; etc. Le prisme énergétique ne permet pas d’expliquer l’évolution des sociétés, même si c’est un récit séduisant qui parle bien (d’autant plus que JMJ parle bien) à un public d’ingénieurs dépolitisés.

Pour résumer, oui la consommation d’énergie est à la base de la création de richesse (même si certaines formes de création de richesse utilisent d’autres leviers ou des niveau de consommation énergétique différents), cependant « l’énergie » (ou la consommation de ressources) n’existe pas ex nihilo : il y a derrière des volontés humaines, qui ont elles-mêmes des déterminants totalement sociaux qu’il convient de développer pour éviter de « naturaliser » les évolutions sociétales par la seule physique. »

3/ L’éternelle controverse du nucléaire et des énergies renouvelables

Enfin, il y a, évidemment, la question du nucléaire et des énergies renouvelables. J’ai volontairement choisi de ne pas focaliser cet article sur ce débat sans fin, pour pouvoir aborder les autres points qui me semblaient importants à développer. Considérer JMJ sous le seul angle de son parti pris pro-nucléaire – ce qui est souvent fait – est très réducteur. La part du sujet nucléaire dans ses nombreuses conférences et dans ses cours de 20h aux Mines est très réduite, et sa position sur le sujet est parfois caricaturée, lui qui prône le nucléaire comme outil de transition et « amortisseur du choc » de la décroissance que l’on subira, dit-il, de gré ou de force – une position qui n’est pas celle des pro-nucléaires traditionnels.

Pour autant on ne peut pas nier non plus l’existence d’un débat – que balayent pourtant d’un revers de la main nombre de « jancovicistes », convaincus d’avoir accédé à la vérité ultime qui viendrait clore le débat.

Pour trouver d’autres avis, il n’est pas besoin de chercher bien loin : son propre associé au sein de son cabinet de conseil, Alain Grandjean, se situe sur une ligne bien plus nuancée (cf la conclusion de son étude en pdf, ou encore ici et ici). Entre autres choses, il ne propose pas une sortie brutale du nucléaire, mais questionne la pertinence de remplacer les réacteurs qui arriveront en fin de vie par des EPR.

Récemment, le débat sur la possibilité du 100% renouvelable en France – jugée irréaliste par JMJ à moins d’un choc brutal dans nos conditions de vie – a été relancé suite à la publication très récente d’une étude du CIRED (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement,) pré-publiée dans The Energy Journal et qui a terminé le processus de « peer-review ».

A rebours des thèses de JMJ, cette étude montre qu’il est possible « d’atteindre 100% d’électricité renouvelable en France métropolitaine à l’horizon 2050, pour un coût égal ou inférieur au coût actuel, même en prenant en compte les incertitudes liées aux conditions météorologiques et aux coûts des technologies émergentes ».

Elle montre notamment que « l’importance du coût du stockage ne représente que 15% du coût total : il ne faut donc pas surestimer sa part dans le coût d’un système 100% renouvelable ».

Ces résultats n’ont pas manqué de faire couler beaucoup d’encre, surtout parmi les « jancovicistes », dont les réactions critiques (et fréquemment moqueuses !) à cette étude ont suscité en retour diverses réponses (exemples de réponses lues sur le groupe Facebook « Transition2030 » : « la vulgarisation doit s’appuyer sur la production scientifique, et non pas sur des règles de 3 à validité limitée ou des raisonnements intuitifs à l’emporte-pièce » ; « Le problème est que Jancovici se livre à des exercices de pensée et des calculs d’ordre de grandeur à partir de chiffres souvent anciens, tandis que cette étude est une simulation détaillée d’heure en heure sur plusieurs années à partir de données de production et de données météo réelles. Se demander quelle est la différence ou le meilleur exercice revient à comparer un avion de papier à un Airbus A780 »).

Pour ceux que cela intéresse, l’ingénieur Emmanuel Pont s’est penché sur cette étude pour tenter un éclairage vis-à-vis de l’analyse de JMJ : son travail à retrouver ici. De même le chercheur François-Marie Bréon, physicien-climatologue, a livré son analyse synthétique ici.

A noter que l’étude du CIRED fait suite à une note de RTE de juin 2020 sur le CO2 qui, elle aussi, va à rebours d’un des grands arguments critiques des ENR de JMJ, puisqu’elle écrit noir sur blanc : « l’augmentation de la production éolienne et solaire en France se traduit par une réduction de l’utilisation des moyens de production thermiques (à gaz, au charbon et au fioul). »

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Pour ma part je me garderais bien de trancher quoi que ce soit ici, et ne doute pas que JMJ aurait des arguments intéressants à répondre à ces travaux (s’agissant de celle de RTE, il écrit par exemple sur Linkedin : « j’ai entendu de mes propres oreilles des cadres de RTE évoquer l’impossibilité d’avoir en interne des débats « honnêtes » sur le système électrique. Si je n’ai pas rendu ces avis publics, c’est pour ne pas les mettre en porte à faux »).

Mais, au-delà du fait que ces débats me semblent très salutaires, trois points me semblent importants à souligner :

1/ Ces études montrent bien que le point de vue de JMJ n’est pas partagé par une partie des chercheurs travaillant sur ces questions, dont le sérieux me semble difficilement contestable.

2/ On peut trouver regrettable que JMJ en vienne aussi souvent et aussi fortement à dénigrer les énergies renouvelables pour défendre ses points de vue sur l’importance du nucléaire. On peut tout à fait partager son point de vue sur la nécessité de conserver une part importante du nucléaire et dans le même temps souligner les avancées des renouvelables, s’en réjouir, tout en restant lucides sur leurs limites actuelles et le chemin restant à parcourir.

Ce point de vue conduit d’ailleurs certains à écrire des messages comme celui-ci :

3/ Enfin il me semble important de revenir sur les prises de position suivantes (et récurrentes) de JMJ sur l’opacité de la filière nucléaire, comme celle-ci :

« Le manque de transparence du nucléaire est une accusation qui est « sortie de nulle part » de ses opposants (le nucléaire n’est plus ni moins transparent que le pétrole, l’industrie automobile, la diplomatie française ou la gestion hospitalière) et qui a été érigée au statut de vérité par effet de répétition (une technique de manipulation que la publicité maîtrise par coeur !) ».

A ceux qui seraient tentés de le croire sur parole, je ne peux que recommander la lecture de l’enquête « Bure, la bataille du nucléaire » des journalistes Gaspard d’Allens et Andrea Fuori – non pas pour les points scientifiques qu’ils soulèvent mais pour les pratiques (non-)démocratiques qu’ils révèlent, probablement très méconnues d’une large partie des suiveurs de JMJ. La critique des journalistes est récurrente dans les sphères des gens-qui-savent ; c’est pourtant bien ce genre de travail d’investigation qui permet de mettre en lumière certaines coulisses peu reluisantes, derrière des discours panglossiens. Un peu de finesse n’est pas interdite : il est bel et bien possible de défendre l’utilité du nucléaire pour le climat tout en pointant du doigt l’opacité de certaines pratiques de cette industrie dans l’absolu (quel que ce soit par ailleurs le manque de transparence d’autres secteurs).

Ce qui serait souhaitable face à cet effet « gourou » 

JMJ a ses critiques, mais celles-ci restent très peu audibles (en dehors des mêmes sphères, souvent critiques du nucléaire).

Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’efficacité redoutable de JMJ pour accélérer la prise de conscience de l’urgence climatique, qui est évidemment salutaire.

Mais il serait bon, pour ne pas dire important, que tous ceux qui le découvrent et le suivent aient bien conscience de ses biais.

Rien que sur le strict plan des questions énergies-climat, se contenter de la « parole » de JMJ serait un piège, quand bien même ses idées sont similaires à celles d’autres personnalités à l’international comme Vaclav Smil (penseur de l’énergie) ou Timothy Mitchell (qui montre dans son livre « Carbon Democracy » le rôle majeur du charbon et du pétrole dans le développement des grandes démocraties).

A ce titre les lignes suivantes sont intéressantes. Robin Girard, enseignant-chercheur de l’Ecole des Mines écrivait récemment sur Linkedin :

« Je ne crois pas que Jean-Marc Jancovici suive les principes de la recherche. C’est un excellent communiquant qui diffuse et contextualise les articles qu’il lit. Il a fait beaucoup pour la question énergie-climat et son cours au mines est très bon. Pourtant il n’a jamais fait un calcul valable sur le système électrique et sa position sur les énergies renouvelables n’est pas toujours très honnête. Ses propos ne sont pas soumis à discussion car il n’écoute que lui, ses articles ne sont pas publiés dans des revues, et vous remarquerez qu’il n’y a pas de section « discussion » sur son site. Je dirais que c’est un excellent « influencer » mais son attitude n’est certainement « scientifique ».

Le fait que certains qualifient la position de RTE de « communication commerciale » par rapport à celle de JMJ qui serait sérieuse est le reflet d’un manque de confiance très problématique dans nos institutions les plus pointues, lié à une dérive populiste de la communication technique sur ces sujets. RTE fait des études fouillées, avec des experts, des consultations publiques ».

Ce à quoi JMJ a notamment rétorqué : « Pourquoi me proposer chaque année d’intervenir devant les ingénieurs-élèves du corps des Mines, alors ? ».

Et Robin Girard de répondre :

« Concernant votre intervention aux mines, j’ai dit clairement que je trouvais vos cours percutants et de qualité. 90% de ce que vous dites est juste et utile, votre contribution à la démocratisation des sujets énergie/climat sobriété est majeure ! Je vous remercie pour cela. Par contre, votre compréhension et votre modélisation du système électrique est intéressante pour le béotien qui n’a jamais entendu parler de l’équilibre offre demande, mais au-delà de ça elle est très pauvre voire malhonnête, c’est un fait. On ne peut pas être bon partout ! Ce qui m’embête c’est que cette modélisation malhonnête fait référence chez tous vos fans, et que ceux-ci estiment aujourd’hui qu’à côté de vous le travail de RTE est de la propagande marketing ».

La littérature scientifique sur les questions d’énergie et de climat doit être prise au sérieux – une évidence que nombre de « supporters » semble avoir du mal à entendre lorsque les résultats ne sont pas tout à fait alignés avec ceux présentés par JMJ.

Sur le strict plan du climat, chacun peut lire, par exemple, les rapports en français du Haut Conseil pour le Climat (dont JMJ fait d’ailleurs partie). Les analyses proposées ne sont pas fondamentalement éloignées de celles de JMJ mais sont parfois plus mesurées, moins tranchées. « De manière générale, il n’existe pas de lien de causalité univoque entre consommation d’énergie et PIB » peut-on lire par exemple dans le rapport 2020.

Au-delà des sciences du climat elles-mêmes, c’est tout le champ des sciences humaines et sociales, dans toute leur diversité, qui devrait être pris en considération par tout citoyen curieux des questions écologiques (rappelons que le climat n’est pas le seul de nos défis écologiques). Celles-ci ne doivent pas venir « en bonus », pour « approfondir » les questions climatiques, comme certains pourraient le penser en suivant l’idée selon laquelle « tout est d’abord physique ». Elles sont tout simplement essentielles : la lutte contre le réchauffement et les autres dégâts environnementaux ne fonctionnera pas sans prise en compte sérieuse des résultats des travaux en sciences comportementales, politiques, en histoire, en psychologie, etc. La climatologue Anaïs Orsi, spécialiste de l’Antarctique, va même jusqu’à dire que « pour qu’il y ait de l’action, on a aujourd’hui plus besoin de sciences sociales que de sciences du climat ».

Dès lors, pour limiter le risque d’une pensée unique en matière d’écologie, il ne faut pas moins de Jean-Marc Jancovici. Il faut – en faisant ici l’exercice de ne citer que des personnalités francophones – plus de Valérie Masson-Delmotte, de Jean-Baptiste Fressoz, de Corinne Le Quéré, de Gaël Giraud, de Nastassja Martin, de Baptiste Morizot, de Vinciane Despret, de Christophe Cassou, de Magali Reghezza-Zitt, d’Harold Levrel, de Laurence Tubiana, d’Alain Grandjean, de Céline Guivarch, de Jean-Pierre Dupuy, de Virginie Maris, de (feu) Laurent Mermet, de Claire Nouvian, de Pierre Charbonnier, de Corine Pelluchon, de Franck Courchamp, d’Emilie Hache, d’Hervé Le Treut, d’Isabelle Stengers, de François Gemenne, de Corinne Morel Darleux, de Christophe Bonneuil, de Lamya Essemlali, de Philippe Bihouix, de Lucie Pinson, d’Arnaud Gossement – entre autres, bien sûr.

Le besoin de passeurs de sciences

En parallèle, on peut formuler le souhait qu’émergent plus d’experts pédagogues et vulgarisateurs sur ces vastes sujets, capables d’être aussi convaincants oralement et de toucher d’autres publics.

Les scientifiques ont besoin de plus de passeurs de science pour faire connaître leurs travaux, les faire comprendre, restituer leurs enjeux et leur importance au-delà des résultats bruts, et les rendre passionnants lorsqu’ils semblent arides.

JMJ excelle notamment sur ce dernier point ; voilà bien une chose que personne ne peut lui contester. Son exemple indique qu’il est tout à fait possible de faire des centaines de milliers de vues avec des vidéos d’explication scientifique de longue durée (1h30, 2h, 2h30 – jusqu’à 20h pour ses cours aux Mines !), avec, qui plus est, une qualité d’image et de son parfois plus que moyennes.

De quoi remettre en question certaines croyances tenaces sur la capacité d’attention en ligne, ou sur la supposée impossibilité d’attirer du public en prenant le temps d’explorer des sujets de fond – ce qui était déjà le propos de l’article paru ici l’an dernier sur le succès de la chaîne Thinkerview.

On peut regretter, dès lors, que les deux longues périodes de confinement de cette année n’aient pas été plus exploitées pour tirer ces leçons et proposer des formats radicalement innovants, en particulier à la télévision : le moment aurait été propice.

Chers dirigeants de France Télévision : au-delà des seules émissions centrées sur les « éco-gestes », à quand des grandes émissions de pédagogie sur les enjeux climatiques, en prime time, pour se hisser à la hauteur de l’enjeu ? Chiche ?

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–> Dernière partie : Une vérité qui dérange

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Article de Clément Jeanneau